La Surimposition

 

 

Voir est le seul pouvoir.

Tous les pouvoirs sont dans le regard.

 

On rêve de soi et du monde à travers la pensée.

Ce rêve est un véritable film fait d’images, de sons, de paroles, de toutes les sensations que l’on connait mais qui sont fabriquées dans la pensée. Cela crée des instants imaginés qui sont reliés les uns aux autres créant un continuum exactement de la même façon que les photos sont reliées entre elles et passées rapidement pour créer un film au cinéma.

Ceci peut se constater aisément pendant le rêve nocturne.

Dès que l’état de veille diurne est là, il est évidence que le rêve nocturne n’était bien qu’un rêve et non la réalité. Pourquoi n’en est-il pas de même la journée lorsque l’on pense, simplement car le regard ne s’est pas intéressé à la prolongation de la pensée-film dans cet état. Peut-être est-ce l’idée que l’état de veille est par définition éveillé et qu’il n’y a pas de place pour le sommeil. Et bien c’est faux, bien souvent, on dort debout !

Pendant l’état de veille, si le mental est bien réveillé comme dans l’état de sommeil nocturne avec rêve, les sensations apparaissent en direct et non plus seulement en rêve, toute la manifestation se déploie. Ainsi pendant cette phase il y a la manifestation vécu direct et également la production du rêve qui continue par le biais de la pensée.

Dans le mécanisme d’identification erroné, le monde est pris pour la pensée du monde, le soi est pris pour le personnage « moi » du rêve et le vécu direct est comme ignoré.

Le rêve est alors vécu comme une espèce de bande dessinée qui vient surimposer le vécu direct, comme une image (genre photographie, reproduction du paysage), d’instant en instant, qui se placerait telle une paire de lunette devant le regard. Tout ce qui appartient au vécu direct est comme mis dans des cases, enfermé artificiellement dans les images du film « pensée ».

Ainsi par exemple, il y a une sensation tactile. Immédiatement l’image du schéma corporel arrive et la sensation est associée à un emplacement : bras, jambe, tête…Rapidement, la sensation n’est plus vécue telle quelle mais en lien avec la région qui dans la pensée la contient. Le passage à l’attention sur la région en découle finissant par délaisser la pure sensation. C’est cela l’enfermement qui va contribuer au maintien, à la crispation de la dite sensation.

L’instant dans son immédiateté vécu, de la même façon, est enfermé par la pensée dans les cases du film qui se surimpose à cet instant, faisant voir la vie comme un continuum, comme une histoire qui n’arrête pas de se dérouler au lieu de vivre l’instant sans cadre, dans sa plénitude et totalité.

 

Dans ce rêve surimposé, ces histoires surimposées il y a des problèmes. Chercher à résoudre ces problèmes ne se fait qu’à l’intérieur du film. Ce sont les personnages du film qui cherchent à le faire. Il est bien évident que rien ne changera vraiment puisque cela reste en circuit fermé et rêvé. C’est pour cela que le pouvoir personnel ne fonctionne pas. Le pouvoir personnel est rêvé, il appartient au film.

En revanche il existe un vrai pouvoir, c’est celui du regard.

Voir n’appartient pas au film, il est en dehors. Le film ainsi peut être vu. La preuve en est, on voit aisément le rêve nocturne.

En s’apercevant à chaque instant de la présence de la pensée, il devient possible pour le regard de s’en détacher. Cela enlève les lunettes du film laissant la vision se fondre avec le vécu direct, la réalité de l’instant.

Nous avons tous cette capacité.

Reconnaître de quoi sont faîtes les pensées, permet de reconnaître le rêve et permet de reconnaître la surimposition du rêve sur l’instant vécu. Les cadres se dissolvent, la vie est.