Travail thérapeutique

 


Une thérapie efficace n’est pas de vouloir modifier ce qui est, mais plutôt est celle qui consiste à déplacer l'attention de l'imaginaire de la pensée sur la réalité qui est. En effet, vouloir changer ce qui est revient à un refus plus ou moins déguisé et nourrit la non acceptation, donc l’ego. Il s'agit en fait d'une investigation qui va mettre l'accent sur le réel confrontant ainsi l'imaginaire avec le véritable vécu. 

La thérapie est un mouvement qui se demande et ne peut en aucune façon être provoqué. La demande peut être consciente chez la personne concernée ou pas mais dans ce dernier cas, une écoute inconditionnée, une présence totale de l'accompagnateur permet de le découvrir.

 

Suivant l'accroche à la croyance en l'imaginaire et donc la maturité de la personne, plusieurs étapes peuvent être utilisées.

 

Quand l'identité "moi" est très forte, l'identification aux histoires et aux personnages que l'on joue dans les histoires* est puissante. L'aide va consister à décoller cette identification dans la mesure de ce qui est possible.

Ainsi inviter à décrire ce qui se vit en tant que personnage en en parlant à la 3ème personne peut aider à comprendre ce type de vécu (et donc à mieux accepter ce personnage qui se vit en soi) et procure une certaine distance

Un mouvement de compassion issu de cette compréhension de vécu aide à se libérer de la souffrance qui en découlait et maintenait cette identité souffrante. C'est un pallier mais loin d'être suffisant pour une totale désidentification.

Au fil de ce type de travail, émerge la compréhension que ces personnages appartiennent à des histoires et que les histoires appartiennent à la pensée.

 

La thérapie va pouvoir alors s'aborder plus directement par l'exploration de la pensée et de son contenu.

Dès qu'il y a souffrance ou mal être c'est qu'en arrière-plan il y a une histoire, une pensée égotique qui est crue. En mettant en mot ce qui fait souffrir, une pensée issue de l'histoire apparait, il convient alors de la mettre en doute. L'investigation de cette pensée conduite jusqu'à l'ultime la révèle comme imposture, comme mensonge face au réel qui est lui incontestable. Dès qu'un mensonge est vu, il n'est plus possible de le croire.

L'investigation selon le questionnement de Byron Katie est un modèle magnifique en ce genre.

 

Au fil de l'investigation des pensées souffrantes il apparait que la souffrance n'est présente uniquement qu'avec la rigidité de l'attention sur la pensée qui la contient.

Dès lors il suffit de repérer, lorsqu'une impression de souffrance est là, que le mental est en action et donc de s'en désintéresser. Ne pas lutter, ne pas empêcher la pensée d'être là mais ne pas s'en  préoccuper, porter l'attention sur la fluidité qui se vit est une bonne posture. Il en est de même avec l'expression de la souffrance au niveau du corps: déplacer l'attention sur la tranquillité du corps au lieu de la garder rigide sur les tensions et crispations, voire mieux, retrouver la fluidité et la tranquillité au sein même des tensions et crispations.

C'est ce que Tenzin Wangyal Rinpoché décrit  dans son travail au sujet des 3 portes: quand le corps est souffrant: on porte l'attention sur le calme, quand il y a trop de paroles, on déplace l'attention sur le silence quand le mental est trop préoccupé, encombré on déplace l'attention sur le vaste.

Cette posture qui serait mise en œuvre alors que l'identification à l'imaginaire et la réactivité à la souffrance est trop forte reviendrait à faire l'autruche, une stratégie pour ne pas voir ce qui est. En revanche, plus tard, à cette étape de maturité, rien n'est occulté, on sait simplement et profondément, tout en n'étant pas totalement désidentifié, que c'est l'imaginaire égotique qui procure ce vécu souffrant et que la source en est la croyance au contenu des pensées égotiques. C'est grâce à cette compréhension qu'il est possible de détourner l'attention  de l'imaginaire sur le réel sans stratégie d'évitement.

 

Dès lors le processus se poursuit tranquillement, l'attention prenant racine à sa source réelle et non plus dans la focalisation de l'imaginaire de la pensée égotique jusqu'à son ancrage total. L'investigation se poursuit à partir d'un regard détaché de toute identification ou appropriation.

 

Enfin, le regard se détache même de l'investigation pour ne s'occuper de lui-même, s'intéresser à lui-même et s'ancrer définitivement en lui-même.

 

 

 

*voir chapitre sur la nature de l'ego